POINT 1 › Mes parents c’est une sorte de couple de hippies, qui s’est dit que les préservatifs c’était qu’un détail et qu’il n’y en avait pas besoin. C’est comme ça qu’on arrive à pondre autant de chiards. Ouais. On est 6 en tout et encore.. Ce n'est pas comme si on avait les moyens en plus d’élever autant de gosses. Je suis l’aînée, suivis de prêt par ma soeur, puis les jumeau, notre frère, l’autre ado casse burne et enfin la petite dernière. Ouais, un vieux délire de ma mère qui s’est dit qu’avant d’être ménopausée elle voulait un autre gosse. Du coup une petite dernière de 5 ans qui traine dans nos pattes. Peut-être qu’ils ont voulu se racheter une conduite avec elle. Parce que niveau parent ce n'est pas trop ça.
POINT 2 › Mon enfance je vais pas m’en plaindre, elle a été plutôt cool. Même si mes parents n'ont pas été des parents modèles, au moins ils ne nous ont jamais tapé dessus. En fait, c’était plutôt délire “éducation positive” à la maison. Ce genre de truc appris dans des bouquins acheté au magasin bio. Grandir à Bristol ça a été tout sauf une connerie ; enfin, je crois. Je suis plutôt équilibrée.
POINT 3 › Rapidement, c’est l’art qui a fait battre mon petit cœur tout plein d’ambition. J’avais envie d’être une artiste, d’être reconnue pour mon talent. C’était peut-être me bercer d’illusions, mais bon. J’ai commencé super tôt à peindre les murs du quartier avec des bombes de peinture pas chères qui m’en foutaient plein les doigts. Courir pour échapper aux flics quand je me faisais choper. C’était tout ce que j’aimais. Alors je me suis lancée là-dedans parce que c’était tout ce que j’avais envie de faire de l’art. Puis bon, j’ai dû me trouver un job en tant que barmaid pour me payer mes études. Papa et Maman Walker n'ayant pas les moyens.
POINT 4 › Depuis petite j’ai l’habitude de tout gérer, mes parents étant toujours absents de la maison. C’est moi qui ai prit le rôle de mère pour les plus petits, et même pour la môme qui a à peine 5 ans et que je vois très rarement, c’est moi qui m’en occupe quand je passe à la maison. Dès 8 ans, j’ai appris à faire une machine, cuire des pâtes et à avoir de l’autorité sur toute ma fratrie. Autorité tellement inconnue pour eux que pendant longtemps, ils m’ont vu comme un bourreau et la méchante de l’histoire.
POINT 5 › La fête, ça a toujours été mon échappatoire. La musique qui fait vibrer mon corps, l’alcool en trop grande quantité, qui te fait tourner la tête jusqu’à t’effondrer comme une merde dans le coin d’un canapé. La fête. Ça a toujours été une source de joie, le moment de souffler, le moment de laisser tomber les obligations envers la famille. Juste un moment pour moi. J’ai commencé tôt à me mettre la tête à l’envers. Vers quinze ans, j’ai pris ma première cuite et à dix-sept j’ai commencé à fumer comme un pompier. Une odeur de cigarette froide qui me suit comme une ombre depuis le temps. Je vais peut être crever a quarante ans mais au moins j’aurai profité.
POINT 6 › L’amour c’est pas une question qui me prend la tête, et même si ma mère répète toujours qu’à mon âge elle m’avait déjà je suis pas sûre de vouloir suivre le même chemin qu’elle. On va dire que mes frères et sœurs font déjà office de gosses de ce côté-là.
J'ai peut-être été amoureuse. Une fois. Même si je n'en parle pas, même si je fais comme si ça ne comptait pas. Mais c'était tellement cool comme sensation, c'était tellement cool comme moment... C'était tellement de bons moments. Mais bon... ça commence à dater cette histoire.
POINT 7 › J'étais obligée de vous parler de Kyle. Pourquoi ? Parce que c'est peut-être celui qui a le plus compté. Mon meilleur ami, mon double. Celui qu'était ma moitié. Quoi qu'au final, on était peut-être trop différents pour rester éternellement amis comme on a pu se le promettre une centaine de fois ivre sur le canapé. Ou alors on n'aurait peut-être pas dû foutre l'amour dans tout ça. ça a tout gâché, tout détruit.
POINT 8 › On va partir sur quelque chose de beaucoup moins fun… Totalement moins fun en fait. Il y a deux ans, on a perdu notre frère. Un suicide super moche dans la salle de bain auquel personne ne s’attendait. Une sorte de film d’horreur en réel, avec du sang partout et des hurlements. On a jamais su pourquoi, on a jamais compris pourquoi. Il ne nous a rien laissés.. Du tout. Même pas un mot. J’avoue que moi, celle qui rigole tout le temps, qui prend rien au sérieux, qui passe son temps à déconner ça m’a fait un choc. Pourquoi notre petit frère du jour au lendemain comme ça. Je me suis sentie coupable de ne pas avoir été plus attentive à ça, de rien avoir remarqué. Je ne pensais pas qu’il allait si mal.
POINT 9 › Après la mort d’Eden j’ai décidé de me casser de Bristol. Puis il y avait eut cette histoire d'amour qu'a fini en couille. Bref, pas besoin de rester là. Pas envie de rester là. Besoin d’un changement d’air, d’autre chose. J’ai fait mes sacs et puis bon, je suis partie sans rien dire à personne. J’ai vagabondé un peu partout pendant 2 ans, sans donner de nouvelles. Je n'en avais pas envie, pas besoin. J’ai bossé à droite et à gauche pour me faire des sous. Puis ma sœur m’a appelé en me demandant de rentrer parce qu’à la maison ça n'allait pas. Elle arrivait pas à gérer. Du coup, je suis rentrée. Depuis quelques mois, je retrouve les rues si familières de Bristol sans vraiment vouloir y rester.
POINT 10 › bon comme je ne sais pas comment vous écrire tout ça, je vais vous le dire en vrac : j’aime l’odeur du café, le bruit de la pluie, les vieux groupes de rock, les vinyles, les chats, je déteste le chocolat, j’aime les pâtes trop cuite, les restes de pizza froide, j’aime pas le bruit le dimanche matin, j’aime la musique qui fait vibrer mon estomac, j’aime pas les chaussures a talons qui font trop mal aux pieds, j’aime pas conduire, j’aime le skate board, j’aime le roller, j’aime pas le silence, j’aime les fruits rouges, bob l’éponge, j’aime pas le lait dans les céréales, j’aime pas le matin, j’aime la nuit, j’aime la pénombre, j’aime les bougies, j’aime pas le oiseaux, j’ai peur du vide, j’ai la peur des araignée, j’aime la bouffe épicée, j’aime pas la menthe, j’aime pas les oranges…