POINT 1 › J'avais alors trois ans quand mon grand-père me posa sur Tsunami, le shetland familial depuis plus de vingt-cinq ans. Depuis je n'ai plus quitté les chevaux, ils étaient pour moi une échappatoire, un vent d'air frais, un souffle de chaleur. Ces animaux sont impétueux, élégants, inaccessibles, moi. À cinq ans, j'avais plus d'amis poneys que d'amis humains. À dix ans j'ai plus pleuré la mort de mon animal fétiche que celle de ma grand-mère. À quatorze ans j'ai plus pleuré ma séparation d'Antiagona que celle de mon père. Ma chambre, encore bien trop puérile pour mon âge, est recouverte de flots, photos ou bibelots reliés à cette passion. Effectivement ma
street cred en prend un sacré coup et j'emmène rarement mes
relations dans cette pièce mais tout cela me permet certainement de profiter encore un peu d'une enfance écourtée.
POINT 2 › Il serait très réducteur de dire de ma situation familiale qu'elle est simple et que je suis simplement la fille de mes parents, la grande-soeur de mon frère. En effet, bien que de nombreux arbres généalogiques retracent aisément ma lignée, il est parfois bien difficile de s'y retrouver. Mon grand-père est duc, mon père est son héritier et mon demi-grand-frère, le suivant. J'entretiens, d'ailleurs, des relations quasiment inexistantes avec ce dernier de plus de quinze ans mon ainé, qui passe son temps libre à naviguer. En revanche je suis très proche de mon petit frère, Georgie. Lui n'a aucune envie de retourner à Chatsworth, au contraire, il a récemment demandé le nom de notre mère et se fait déjà officieusement appeler Georgie Lonsdaleof. J'ai deux petites cousines paternelles de sept ans, Maude et Serena qui viennent régulièrement nous voir ici à Bristol ainsi que mon cousin favoris, qui vit proche de chez nous.
POINT 3 › Je n'ai jamais été très animée par toutes les "royalties". J'étais plus du genre garçon manqué, j'aimais la chasse, le voilier et taché mes vêtements mais j'ai toujours gardé cette grâce qui me caractérise si bien. Même boueuse, ma tenue était droite et mes gestes doux. Cette particularité, que je tiens certainement de mes années de danse classique, me fait parfois préjudice quand beaucoup de gens me pensent inaccessible et hautaine.
POINT 4 Beaucoup de jeunes aujourd'hui vivent, malheureusement, le divorce de leurs parents avec difficultés. Il n'est pas peu dire que ce fut mon cas. Imaginez vous, à vingt-deux heures un soir de novembre, jouant à la nintendo, votre mère rentrant en pleurs dans votre chambre, une valise à la main et vous forçant à descendre les longues marches de l'escalier principal en pyjama, obligé de monter dans une voiture sombre à peine chauffé pour une destination inconnue. Durant tout le trajet je serrais mon frère comme s'il s'agissait de mon propre enfant. J'avais compris. Pas un mot. Pas de questions, je me serrais simplement à ma mère et je m'endormis sur sa jupe en velours. Trois jours après, j'arrivais enfin, d'abord à Bath pendant deux mois, puis à Bristol. Cette déchirure est un point très sensible de mon passé que je préfère oublier.
POINT 5 › Quatorze ans, me voilà livrée à une vie
normale si j'ose dire. Après des années d'études particulières et deux ans d'internat très select pour jeune fille à Sheffield, je me retrouvais au milieu de jeunes lambda à qui je devais cacher ma véritable identité. Ma mère ne voulait plus de tous ces protocoles et souhaitait une vie basique pour nous. Je fis dans cette école mes premières expériences, premier bisous, premières cigarettes, premières boum avec même un peu de punch. Cette transition entre ma vie d'avant et ma vie d'aujourd'hui ne fut pas si difficile, j'aimais l'aventure et n'étais pas ce genre de gamines précieuses et hautaines.
POINT 6 › Seize ans, me voilà une jolie jeune fille, grande et déjà
trop mature pour mon âge. La plupart de mes amis avaient quatre voire cinq ans de plus que moi et mes fréquentations n'étaient pas celles que l'on souhaite pour ses enfants. Les excès commencèrent véritablement à cette période. Le stade des bisous et du punch avaient été largement dépassés. J'entrais dans une année et demi de sexe, drogue et alcool en veux-tu en voilà. Mon père aurait dit "
débauchée" s'il en avait été mis au courant. Cocaïne, LSD, marijuana, opium et alcool fort rythmaient les soirées endiablées auxquelles j'étais conviées. Mais à dix-sept ans et demi, ma mère eut
enfin vent de mes agissements. Elle n'était pas fâchée contre moi. Elle m'a tout simplement fait comprendre que si les Cavendish apprenaient les conséquences de mon comportement, je serais certainement renvoyée à Chatsworth, cloîtrée et contrôlée. C'est là que j'ai compris, je ne cherchais qu'à attirer l'attention de mon père qui ne cherche aucun signe de vie de ma part. Aujourd'hui les fêtes auxquelles je participe sont toujours aussi hardcore mais bien plus discrètes. J'ai arrêté de ne plus être moi-même. Désormais, j'observe, je scrute, je lis les gens et je fais en sorte qu'ils ne puissent lire en moi. En effet, je crois avoir atteint un stade de ma vie où je ne veux plus nuire à ma famille. Où je n'en veux plus à mon père.
POINT 7 › J'ai obtenu ma première année de droit plutôt
in extremis. En effet, les soirées étudiantes d'Oxford ne sont pas les moins folles et après avoir eu quelques déboires avec la police locale, j'ai préféré retournée à Bristol pour y commencer une année sabbatique. J'aime la video et j'ai pour ambition de tourner plusieurs mini-films sur les soirées arrosées de Bristol. Ma camera ne quitte que rarement le tour de mon cou.