(jo) âme sans cible.

t'es pas une de ces personnes qui détestent leurs prénoms, leurs origines. c'est précieux, beaucoup trop précieux pour que t'envisages d'en changer. jovaki ojal khan, souche indienne. la vingtaine,  peut-être trop jeune pour tout ça, trop jeune pour les caméras, trop jeune pour savoir si tu veux continuer tout ça. trop vieille pour profiter d'une jeunesse normale. alors tu fais avec. deal with it. t'es partie pour une licence de droit international, en entendant de reprendre la relève de ton paternel. pas le choix, seule dans cette galère, la fille unique. l'argent fait pas tout, toujours célibataire, et pourtant, papa & maman ils ont essayés, de trouver un gendre digne de leur nom. (oui, on pose pas la question, de l'orientation sexuelle, ça parait une évidence. apparemment, le monde s’arrêtera de tourner le jour où t'embrassera une fille. t'as hâte que ce jour arrive.) ça doit en décevoir pas mal, de savoir qu'être riche ça n'apporte rien d'autre que des faux sourires et des problèmes.

rien. nada. zero problème avec la justice. aussi blanche qu'une colombe. pas un pas de travers. pas d'attitudes empruntées au diable. de toute façon, immunité diplomatique. c'est un privilège que tu refuses d'accepter. passer au travers des mailles du filet avec quelques bouts de papiers. puis, les parents veulent pas faire la première page du journal pour autre chose que la politique, le droit et le commerce.

I've always loved the idea of not being what people expect me to be.
les regards se retournent sur toi. encore une soirée, encore un gala à jouer les faux semblant. t'accusent le coup, sourire discret, regard perçant. faut faire bonne impression, jouer celle que tout le monde attend, jouer une khan, une vraie. les parents sont pas là, toujours absent lors de ce genre de chose. il te laisse le sale boulot. tenir au moins une heure. une petite heure, faire acte de présence. cligner des yeux, dire bonsoir, danser une ou deux danses avec des gens dont tu connais le prénom sans savoir pourquoi. tes pas se font assurer alors que tu traverses la pièce pour attraper une coupe de champagne. même pas pour boire, déguster ce qu'il se fait surement de mieux, juste t'occuper les mains. encore et toujours. tu joues des mots, s'excuse de l'absence de tes parents (encore), leur transmets leurs compliments (encore), prend une ou deux gorgées de ce champagne que tu trouves affreux (encore). coupe que tu dois poser, lorsqu'on t’entraînes par la main. pas un des collaborateurs, pas un aux cheveux gris, qui chercher à capter l'attention, surement un de leur fils. mais c'est agréable de pas avoir l'air d'un simple objet, tu t'en caches pas. apparemment tu dois ouvrir le bal. avec toute la grâce dont tu es capable, les mouvements s’enchaînent, ta crinière se balade sans retenue dans ton dos. un de tes plus beaux atouts, d'après maman. la musique se fait un chemin jusqu'à ce qu'elle imprime chaque cellule de ta chair. tu te laisses bercer par la main qui te guide. enfermer dans une robe beaucoup trop chère pour un simple bout de tissu, tu t'inclines discrètement devant ton cavalier, à la dernière note de musique. et tu te disparais dans la foule, essayant de ne croiser aucun regard.
c'était plus simple avant, quand t'étais trop jeune pour comprendre le monde dans laquelle on t'as foutu. l'héritière, fille de diplomate, l'héritière elle a bien envie de continuer sa vie d'ados. libérer de ses responsabilité pendant deux minutes. ne pas avoir à donner qu'une partie de son prénom quand on lui demande en espérant que personne de fasse le lien, pouvoir se balader dans la rue, sans avoir peur de se faire reconnaître.
t'en as marre, d'avoir la même routine, les même obligations. figée dans le temps, jusqu'à la fin de tes études. puis faut reprendre le boulot avec le même engagement familial que le paternel. puis faut trouver un bon parti. se marier. faire des gosses. assurer la succession. un avenir tout tracé, c'est pas ce que tu veux, mais c'est ce que t'as.